L'actualité de cette semaine reste largement
marquée par la question de la signature de l'accord de sécurité
bilatérale (BSA) entre les États-Unis et l'Afghanistan. À la
surprise générale et malgré le vote positif
de la Loya Jirga, Hamid Karzaï refuse
toujours de signer le
traité tant que ses demandes n'y
sont pas
incluses. De
nombreuses interrogations planent encore sur les raisons de ce refus:
manœuvre politique pour faire monter les enchères ou défense de
l'intérêt national, les avis restent partagés. Dans un entretien
accordé à Frédéric Bodin pour Le Monde, le
président défend ses positions et accuse
notamment les États-Unis de mener une guerre psychologique pour le
pousser à signer. La non-signature du BSA
signifierait un retrait total des troupes américaines sur le terrain
et par la même occasion des troupes de l'OTAN. La
perspective de cette « option zéro » est crainte car
elle signifierait une déstabilisation profonde du pays et de la
région. Le Général Dempsey, chef
d’État major des armées des États-Unis,
a
déclaré que les militaires américains ne souhaitent pas une
telle option et n'ont entamé aucune préparation dans ce sens. Au
delà d'un retrait complet, le problème également évoqué est le
retard pris par la signature de l'accord, qui met en cause la
pérennité de l'action de certains pays en Afghanistan. En effet, de
nombreux États ont déjà établi un
agenda de retrait et, manquant de temps pour préparer la logistique
nécessaire au maintien des troupes sur le sol afghan, pourraient
mettre fin à leur engagement sans la
signature rapide des accords bilatéraux et multilatéraux.
À contre-courant, Robert Farley invite à ne pas trop s'alarmer sur
la situation actuelle rappelant que le contexte n'est aujourd'hui
plus celui des années 1990 et que les intérêts des États de
la région en particulier étaient bien
trop importants pour risquer un effondrement de l’État afghan.
La coopération régionale a justement été au
cœur de l'agenda de la semaine. En début de semaine, l'Afghanistan
et l'Iran ont annoncé un accord de principe sur la signature d'un
traité de coopération et d'amitié. À Téhéran, la rencontre
entre le président iranien Hassan Rouhani et Hamid Karzaï a été
l'occasion pour le premier de rappeler la volonté de l'Iran de
développer ses liens avec ses voisins et de participer au
développement de l'Afghanistan mais aussi
de rappeler son opposition à la présence de troupes étrangères
dans la région ainsi qu'au Moyen-Orient et dans le Golf Persique.
Cet accord de principe est
peut-être
le premier signe d'une plus grande coopération régionale, comme
peut l'être par exemple le traité similaire signé avec l'Inde.
Grâce aux accords bilatéraux, New Delhi
participe par exemple à
l’entraînement des militaires afghans aux techniques de la
contre-insurrection. Cependant, il ne
s'agit pour le moment que d'un accord de principe et les négociations
débutent à peine pour la définition de son contenu. Malgré
les accords de Genève, l'Iran est toujours soumis à d'importantes
sanctions internationales, ce qui tend à limiter la coopération
économique entre l'Afghanistan et son
voisin. De plus, certaines questions
sensibles, comme la présence et le
traitement des réfugiés afghans sur le
sol iranien, restent à résoudre.
L'Iran n'est pas seul État régional à améliorer
ses relations avec l'Afghanistan. La visite de
Nawaz Sharif à Kaboul le week-end précédent, a
été aussi
l'occasion de réaffirmer la volonté
d'Islamabad de participer aux efforts afghans
de paix. Certaines sources officielles
demeurées confidentielles affirment d'ailleurs, selon l'Express Tribune, que les négociations secrètes, tenues au Pakistan entre le
Haut Conseil de Paix afghan et les Taliban, représentés par Mullah
Barabar, libéré par les autorités pakistanaises en septembre de
cette année, montrent des signes positifs d'avancée. Depuis les
élections pakistanaises en
mai dernier, les relations entre l'Afghanistan et le Pakistan,
souvent orageuses, semblent s'être légèrement améliorées,
laissant penser à un début de dialogue régional.
Ces efforts en direction
de la région se sont également traduits
par le dialogue trilatéral qui
s'est tenu à Kaboulen début de semaine
entre la Chine, l'Afghanistan et le Pakistan. La rencontre entre
l'ambassadeur Sultan Ahmad Bahin, le directeur général du 3ème
département politique du ministère des Affaires étrangères
d'Afghanistan, l'ambassadeur Luo Zhaohui, le directeur général du
département des Affaires asiatiques du ministère des Affaires
étrangères de la République populaire de Chine, et Muhammad
Iftikhar Anjum, directeur général de la Division afghane au
ministère des Affaires étrangères du Pakistan,
a permis de réaffirmer la volonté des trois pays de développer la
coopération régionale et le partage de l'information, qu'ils
estiment essentiel pour le maintien de la paix et de la sécurité en
Afghanistan et dans sa région. Ils ont également mis en avant le
rôle important que peut
jouer l'Organisation de Coopération de Shanghai dans l'établissement
du dialogue et de la coopération entre les différents États
régionaux.
Au-delà de la région, le ministre des Affaires Étrangères de l’Azerbaïdjan, a affirmé, lors d'une rencontre inter-ministérielle des forces de l'ISAF à Bruxelles le 4 décembre, l'engagement du
pays vis-à-vis des forces de l'ISAF,
auxquelles il
s'est associé, et de Kaboul. Il a déclaré que les
troupes azerbaïdjanaises
de maintien de la paix resteraient présentes en Afghanistan après
2014 et que l’Azerbaïdjan souhaite continuer à développer sa
coopération bilatérale avec le pays.
Enfin, l'actualité afghane internationale est
également sportive. Dimanche, l'équipe de cricket afghane a fait
face, pour la première
fois dans le cadre de la compétition Twenty 20 International, à
l'équipe pakistanaise qui a remporté la victoire lors d'un match
serré. L'Afghanistan affronte maintenant l’Irlande
pour la finale de
la ICC Intercontinental Cup à Dubaï et se rendra le mois prochain
au Zimbabwe pour le premier match de l'équipe en tant que membre à
part entière du comité international. L'équipe s'est également
qualifiée pour la « Coupe du Monde des 50 et plus » de
2015 en Australie et en Nouvelle-Zélande ce qui confirme ce
succès et « l'histoire d'amour des Afghans avec le cricket ».
Mais le sport est aussi un moyen d'interroger et
de faire évoluer les normes sociales, comme le montre l'équipe nationale féminine de cyclisme, sujet du documentaire de Sarah Menzies « Afghan Cycles », qui sortira dans les salles
américaines au
printemps 2014. Même si l'équipe ne dispose pas encore des moyens
de participer à des compétitions
internationales,
elle ne cesse de se développer.