13.10.11

Afghanistan 10 ans : Soyons à la hauteur !


Le COFA – Comité des ONG Françaises en Afghanistan - et les amis de l’Afghanistan se sont rassemblés vendredi 7 octobre 2011 de 11h à 13h sur la place du Palais Royal de Paris, afin de lancer un message fort de solidarité avec la population afghane. Et c’est bien de la population dont il s’est agi ce vendredi-là. La place du Palais Royal parlait d’elle-même : dix portraits d’Afghans*, issus de la collaboration entre l’ONG Action Contre la Faim et la photographe Sandra Calligaro, portraits survolés par des cerfs-volants symboliques de l’espoir porté par le peuple afghan, y avaient été installés ; dix Afghans qui aspirent à une meilleure éducation, une libéralisation de la femme, une meilleure utilisation de l’aide étrangère et un changement de stratégie de la présence occidentale. Sur la place du Palais Royal, devant le Conseil d’Etat, ce vendredi-là, le peuple afghan parlait pour l’Afghanistan ! La reconstruction ne se fera pas sans les Afghans eux-mêmes, la reconstruction ne se fera pas sans écouter les Afghans : c’est bien le message qui a été transmis ce vendredi 7 octobre.

7 octobre 2011 : c’est la journée « anniversaire » de l’offensive américaine en Afghanistan qui déboucha sur les 10 ans de guerre que l’on connaît. Une journée de commémoration qui se voulait surtout journée de revendications mondiale pour les ONG afghanes et internationales réunies par ACBAR, la plus grande organisation indépendante de coordination des ONG en Afghanistan. D’autres rassemblements ont eu lieu, notamment à Amsterdam, Berlin, Londres, Oslo et Stockholm, en lien avec Kaboul. Tous s’inscrivent dans le cadre d’un appel lancé à nos gouvernements occidentaux à s’engager concrètement, lors de la conférence de Bonn prévue le 5 décembre prochain, à mener une politique qui réponde aux aspirations des Afghans, à œuvrer à leur mieux-être, à l’éducation, la paix et la justice, et à honorer leurs espérances. Le mot d’ordre était clair : vous avez décidé de retirer vos troupes certes, mais les Afghans attendent beaucoup, ne les décevez pas ! ACBAR publiait d’ailleurs ce vendredi 7 octobre, un rapport inédit relatant le témoignage de 444 afghans de tous horizons, apportant des données concrètes sur les évolutions en matière d’éducation et de santé réalisées au cours de ces 10 ans et sur les enjeux et les difficultés de l’avenir.

En France, plusieurs personnes, essentiellement des représentants d’ONG mais aussi Karim Pakzad, chercheur à l’IRIS, et un réfugié politique afghan, ont tour à tour pris la parole pour relayer le communiqué de presse rédigé par le COFA. Les revendications du COFA inscrites officiellement dans le communiqué reposent sur une réconciliation des Afghans entre eux qui amène la paix, une justice qui reconnaisse les droits de chacun, un développement économique qui ait pour but d’éradiquer l’extrême pauvreté, un développement des systèmes éducatifs et de santé, un meilleur accès à l’eau potable et aux systèmes d’assainissement.

Par ailleurs, une idée clé a marqué les discours : la nécessité de mettre en place une véritable stratégie de développement, jusqu’à présent inexistante, afin de mobiliser les moyens nécessaires, de permettre une meilleure efficacité de l’aide apportée et une meilleure utilisation des fonds d’aide alloués. En effet, seulement la moitié de l’aide occidentale a été utilisée pour l’instant et elle a fait l’objet d’une politique qui a privilégié la quantité à la qualité. Tous s’accordent à dire qu’il y a eu des avancées, mais qu’elles sont très limitées, comparées à l’aide qui a été fournie. Ainsi, même si une amélioration est notable dans le domaine de l’éducation puisque de nombreuses écoles ont été créées, la plupart d’entre elles manquent d’enseignants diplômés, manquent de matériel scolaire, n’ont pas de sanitaires, etc. L’implication dans le domaine humanitaire doit être plus importante et doit faire l’objet d’une véritable politique. Comme l’a si bien dit Alain Boynet, représentant de l’ONG Solidarités International, "la guerre ne sera pas gagnée, alors il faut chercher à gagner la paix".
Témoignage de Leila, 28 ans : "Aujourd'hui je peux m'assumer toute seule : je n'ai plus besoin de mon mari, je travaille. J'en suis fière, et je n'ai pas peur de le dire en face de lui."

En ce qui concerne l’éducation et notamment l’éducation des filles, le discours positif de Catherine Leclerc, représentante de l’association AFRANE, a fait état d’"un mouvement de fond massif et nouveau" dans ces domaines depuis la chute des Talibans. Les avancées sont notables, même si toujours plus quantitatives que qualitatives : sur 12 millions d’enfants scolarisables, 8 millions d’entre eux sont aujourd’hui à l’école contre 1 million seulement en 2001 ; 13 000 écoles existent aujourd’hui en Afghanistan contre 3 400 en 2001, mais la moitié de ces écoles n’ont pas les bâtiments adéquats ; 2,4 millions de filles sont aujourd’hui scolarisées, ce qui représente 36% des enfants scolarisés, alors que très peu avaient cette chance à l’époque des Talibans ; il y a aujourd’hui 175 000 professeurs contre 20 000 en 2001, mais il en manque toujours 47 000 ; 1/3 de ces professeurs sont des femmes, mais dans 200 districts sur 364, tous les professeurs sont des hommes*. En résumé, les avancées sont là, les demandes sont là, mais les moyens n’y sont pas ! Ne décevons pas la soif d’éducation du peuple afghan !
Guissou Jahangiri

Enfin, Guissou Jahangiri, chargée de mission à la FIDH – Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme – et directrice de l’ONG Open Asia, a mis le doigt sur la politique du gouvernement afghan : d’abord, la nécessité de ne pas négocier avec les Talibans au nom de la réconciliation nationale et du processus de paix, actuelle politique du président Hamid Karzai. Faciliter le retour des fondamentalistes au pouvoir, c’est sacrifier le droit des femmes, c’est-à-dire sacrifier la moitié de la population afghane. Une opinion partagée par les femmes afghanes, selon leur communiqué de presse relaté en fin de meeting. Deuxièmement, Guissou Jahangiri a mis en avant l’importance de faire justice du passé de l’Afghanistan et des exactions et massacres commis pendant ces décennies de guerre, à la fois par les fondamentalistes, mais aussi par les armées occidentales. Il n’y a aura pas de paix sans justice, il n’y aura pas de paix si le peuple afghan n’affronte pas son passé, il n’y aura pas de paix si la souffrance du peuple afghan n’est pas reconnue !

* Les photos de Sandra Calligaro sont exposées du 3 au 27 novembre 2011 à l'espace Confluences, 190 boulevard de Charonnes, Paris 20è. Ouvert du lundi au vendredi de 10h à 18h et les soirs de représentation.
* Les chiffres avancés sont des chiffres officiels ayant fait l’objet d’un rapport réalisé par l’association AFRANE.

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