Rencontre avec Françoise Hostalier
Malgré son emploi du temps particulièrement chargé, Françoise
Hostalier a pris un moment pour nous rencontrer afin de partager sa
passion pour l'Afghanistan et son optimisme sur la situation du pays
et son avenir.
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Françoise Hostalier devant la citadelle d'Hérat | © Françoise Hostalier |
Deux fois députée du Nord, mais surtout engagée pour les droits de
l'homme et l’émancipation des femmes, passionnée par
l'Afghanistan, elle préside la fédération française de
l'association Mères pour la Paix, Action Droits de l'Homme et le
Club France-Afghanistan, dont elle est à l'origine.
Elle se souvient précisément du jour où elle découvre
l'Afghanistan : le 23 septembre 1997 à Alger. Venue soutenir
les femmes algériennes dans leur combat contre les terroristes des
GIA, elle est à leur côté lors de l’annonce du massacre de
Bentalha. Devant tant d’horreurs, elle est interpellée par des
femmes, revenues des lieux du massacre, par ces mots qui sont encore
ancrés en elle : « Vous, les Français, vous ne voyez
rien, vous ne comprenez rien. Vous ne vous rendez pas compte que,
tout ce qui nous arrive, vient d'Afghanistan. Nous, les femmes
algériennes, sommes la digue qui vous protège ». De là,
Françoise Hostalier veut en savoir plus sur l'Afghanistan et le
régime des Taliban. L'engagement est ensuite rapide, notamment aux
cotés de Shoukria
Haidar (militante pour le droit des femmes afghanes et fondatrice de
l'association Negar), avec notamment la
campagne menée par le magasine Elle, « Les Femmes ont
disparu » ou la coopération avec Alain Madelin, député
européen, partisan de Massoud.
L'intérêt
pour la condition des femmes et pour la situation politique du pays
ne la quitte plus. En 2011, grâce à ses connaissances et ses
contacts sur le terrain, elle est nommée parlementaire en mission en
Afghanistan par le Président de la République. Les conclusions de
sa mission serviront alors de point d'appui pour le traité d'amitié
et de coopération bilatérale entre la France et l'Afghanistan signé
le 27 janvier 2012 et ratifié en juillet de la même année, malgré
le changement de majorité. Cette mission la conduit également à
créer le club France-Afghanistan. Son but est d'établir un lieu de
rencontre et permettre à tous ceux qui aiment ce pays, participent
ou ont participé à des projets en lien avec lui, d'échanger
ouvertement sur les difficultés et les avancées de leurs actions.
Françoise Hostalier souhaite maintenant faire de ce club un
catalyseur de projets et une source d'informations pour les
différents acteurs français et afghans. L'idée est donc
d'organiser des tables rondes sur les potentialités économiques de
l'Afghanistan pour tous ceux qui souhaitent en exploiter les
opportunités, comme le commerce courant. Elle n'oublie pas de
rappeler que dans les commerces de proximité, à Kaboul comme à
Paris, : « il y a mon shampoing, mon dentifrice et tous
les produits de base dans la vitrine». De même, si la filière
agricole produit désormais fruits et légumes de qualité, il faut à
présent lui transmettre les procédures de conditionnement et de
contrôle sanitaire nécessaires à l'exportation. « Il y a une
usine Coca-Cola à Kaboul, alors si Coca-Cola ose. C'est
possible ! ».
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Façade d'un magasin de quartier à Kaboul | © Françoise Hostalier |
À contre-courant, peut-être, du discours médiatique, Françoise
Hostalier croit fermement aux potentiels de l'Afghanistan et de son
économie. « Je suis une optimiste et, en Afghanistan, il y a
une grande marge de progrès. Donc cela va forcément aller mieux ».
De ses vingt-deux missions sur place, elle tire un regard optimiste
et positif. Elle constate en effet que le pays revient de loin après
les décennies de conflits qu'il a traversées. L'évolution la plus
marquante, depuis son premier séjour en mars 2002, est la
reconstruction des infrastructures. Aujourd'hui de grands axes
relient les principales villes. Même si beaucoup reste à faire,
Kaboul comme Hérat ou Mazar-e-Sharif ont subi des modifications
impressionnantes. « Beaucoup de choses ont déjà été faites.
L'Afghanistan était comme un puzzle cassé, beaucoup de pièces ont
déjà pu être réparées. C'est déjà beaucoup. Maintenant, il
faut réussir à les assembler. Les pièces recollées sont un peu
déformées mais il y a moyen de reconstituer un paysage, un pays ».
Elle explique la déception occidentale ou le discours pessimiste qui
se fait largement entendre par des exigences trop élevées pour un
pays meurtri par des décennies de guerre. « Mais nous ne
sommes exigeant qu'avec ceux que l'on aime ». L'Afghanistan est
un pays qui bouge et où tout est en train de changer, avec ses 18 à
20 millions de téléphones mobiles (pour une population de 31
million d'habitants), avec sa cinquantaine de stations de radio et de
télévisions animées en grande majorité par des journalistes de
moins de trente ans.
Toutefois, l'optimisme de Françoise Hostalier est mis à mal par la
situation des Afghanes. Le tournant se situe pour elle en 2005-2006.
L'impression, avant ces dates, est que « les Afghanes
souhaitent s'émanciper et que les hommes sont prêts à leur
entre-ouvrir la porte ». A-t-on voulu aller trop vite ou, en
période de difficultés, les femmes n'ont-elles pas été les
premières victimes d'une société qui fait le dos rond ? 2006
est, pour les États-Unis, le moment d'un engagement total en Irak.
La politique afghane semble s'enliser et les vieux démons
resurgissent, notamment la dégradation de la sécurité dans le pays
sans que les forces occidentales n'aient les moyens de répondre
efficacement. 2006 voit donc la société afghane se crisper, les
femmes s'auto-censurent et reprennent leurs rôles traditionnels.
Voilà ce qui peine Françoise Hostalier. Même si les femmes ont le
droit de vote et que, constitutionnellement au moins, elles ont les
mêmes droits que les hommes, leur quotidien n'est pas toujours à la
hauteur de ces principes. Les avancées faites jusque là semblent
aujourd'hui bien mises en péril et le combat est donc loin d'être
terminé pour émanciper les femmes et garder les filles à l'école.
Rien n'est perdu et l'Afghanistan réserve toujours des surprises,
même à ses « habitués ». Françoise Hostalier rappelle
à ce titre le rôle fondamental de la jeunesse afghane. 45 % de
la population à moins de quinze ans et environ 400 000 jeunes
rejoignent le marché du travail chaque année. L'enjeu principal
pour le pays est donc de trouver à ces jeunes des débouchés et
s'assurer, par là, de rompre le cycle de la violence. Comme nombre
de choses en Afghanistan, cette jeunesse est « à double
tranchant » : source de tous les espoirs et de toutes les
craintes. De même, 2014 et les élections présidentielles seront
décisives pour le pays. « Le 5 avril sera quitte ou double, et
ça sera double. Il va forcément se passer quelque chose, je ne sais
pas quoi mais il va se passer quelque chose. C'est passionnant ! ».
Ce qui suscite aussi l'espoir, c'est la classe moyenne qui s'est
développée aujourd'hui. La jeunesse qui en est issue a envie de se
mobiliser et de faire évoluer les choses. Elle se retrouve dans les
universités ou les écoles de commerce, où les filles choisissent,
avec l'accord de leur famille, les études au mariage. L'émergence
d'une classe moyenne urbaine est une nouveauté dans l'histoire du
pays, jusque là divisé entre très pauvres et élites concentrant
richesses et privilèges.
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Malek du village de Quetchi | © Françoise Hostalier |
Malgré les défis auxquels fait face l'Afghanistan, Françoise
Hostalier croit fermement en son avenir. Elle raconte notamment sa
visite, en mars 2013, dans le centre rudimentaire de soin du village
de Quetchi où elle trouve, accrochée à un mur, une affiche
représentant un préservatif, une plaquette de pilule contraceptive
et une seringue avec une ampoule accompagné des explications sur
leur usage. Étonnée, elle demande alors au Malek du village ce
qu'il en pense. Tout sourire, il lui répond qu'il y est complètement
favorable car cela permet aux femmes d'avoir moins d'enfants, mais
avec de plus grandes chances de survie et d'être plus disponibles.
Il lui affirme que l'Imam du village est du même avis. « Si
cela existe dans un petit village où il y a eu une présence
médicale avec des gens qui ont su expliquer, qui ont su convaincre,
il y a des choses qui sont possibles ». Finalement, pourquoi ne
pas extrapoler cet exemple au reste du pays ?
NB: Les propos de cet article ont été recueillis avant l'attentat mené contre la Taverne du Liban à Kaboul. Contactée, Françoise Hostalier réaffirme son optimisme. Elle précise que la police afghane a besoin de renforcer son entraînement et les dispositifs en place de lutte contre le terrorisme et que, le 17 janvier, les forces spéciales de la police sont intervenues rapidement et ont abattu les attaquants.