Quelle avenir pour
l'intervention internationale après l'attentat ? -
L'actualité de la
semaine est endeuillée par l'attaque
contre le restaurant kabouli, La Taverne du Liban, lieu de
rendez-vous des expatriés et de "l'élite" de la capitale, qui a
fait au moins 21 morts le vendredi 17 janvier, à l'heure où la fréquentation battait son plein. L'article détaillé de Borhan Osman montre que les revendications et justifications données
par les Taliban illustrent la stratégie cynique choisie par ces derniers : cibler des symboles et la communauté internationale
car « il n'y a pas de mauvaise publicité ».
Ce dernier attentat a suscité de vives réactions d'émotion et des manifestations
de soutien à Kaboul et chez les anciens habitués du restaurant. Il soulève le doute sur l'intervention internationale. Il a conduit à un
considérable renforcement des consignes de sécurité auprès du personnel diplomatique ou
humanitaire présent dans la capitale. Les restaurants et cafés sont
donc restés déserts depuis vendredi. Beaucoup se demandent si cette attaque ne
constitue pas un tournant décisif pour l'Afghanistan et le signal d'un désengagement de
la communauté internationale. Face à cela, Ban Ki-Moon a réaffirmé la volonté des Nations Unies de continuer
sa mission malgré la perte de quatre de ses employés. Une telle
attaque, pour Rob Crilly, ne doit pas être considérée comme le signe d'un échec
de l'intervention ou d'un retrait nécessaire. Selon lui, « ce
n'est pas le moment d'abandonner l'Afghanistan ».
Les propos d'Hamed
Karzaï : un président de plus en plus isolé dans sa
condamnation de l'intervention internationale ? -
Cependant, les propos
d'Hamed Karzaï suite à l'incident ont renforcé le sentiment d'un
changement de climat pour les expatriés à Kaboul.
Ce dernier a accusé les services de renseignement étrangers d'être à l'origine de
l'attaque, désignant ainsi de manière à peine voilée le Pakistan.
Le ministère afghan de l'Intérieur a confirmé, mercredi, que l'augmentation
des attaques par les insurgés est une « poussée
stratégique » pour faire dérailler les élections
d'avril. Il est aussi craint que ce type d'attaque, qui
contribue à dégrader le climat sécuritaire du pays, ne soit
utilisée comme prétexte par Hamid Karzaï pour maintenir son pouvoir
ou retarder les élections, même si un tel scénario représenterait
un coup de force maladroit et impopulaire.
Lors de son intervention,
après avoir présenté ses condoléances, le président a de
nouveau condamné les opérations de la FIAS qui entraînent des pertes
civiles afghanes et a également évoqué l'incident dans la province
de Parwan, sur lequel les déclarations sont contradictoires. Ces propos ont contribué à
donner le sentiment à beaucoup, dans la communauté internationale,
d'un faible soutien du président au travail de cette dernière et d'une volonté de
remettre en cause la pérennité de son action sur le terrain. Ces
déclarations renforcent également le refus de Karzaï de signer
l'accord bilatéral de sécurité avec les États-Unis. Ce traité est cependant
nécessaire pour la prolongation de l'intervention internationale
selon l'Union Européenne qui a exprimé son souhait d'établir un partenariat
de longue durée avec l'Afghanistan.
La censure
d'un spot publicitaire diffusée sur les réseaux de télévisions
afghanes est également un signe négatif envoyé à la communauté
internationale. Même si les sources de financement de ce spot ne
sont pas connues, les autorités soupçonnent une tentative
d'influence ou de pression pour la signature du BSA. Cependant,
l'interdiction de diffusion reste une entrave à la liberté d'expression puisqu'elle n'est fondée sur
aucune justification légale pour le moment, même si une enquête a
été ouverte. Cette dernière décision vient, elle aussi, remettre
en cause une signature rapide du BSA.
10 000 soldats ou
rien pour les États-Unis après 2014 et réduction des aides
économiques et de développement votée par les parlementaires à
Washington -
Devant le refus du
président Karzaï de signer l'accord de sécurité, les diplomates
internationaux chercheraient une autre solution, « un plan-B », afin de poursuivre leur action après 2014.
À ce propos, le New-York Times révèle que le Pentagone aurait proposé à Barack Obama
le maintien de 10 000 soldats américains sur le terrain ou un
retrait complet. Cette alternative s'expliquerait par le fait qu'une
présence américaine inférieure à ce chiffre de 10 000 représenterait un trop grand
risque pour les troupes elles-mêmes.
Dans le même temps, les
parlementaires américains ont voté, vendredi, la diminution de moitié de l'assistance financière à l'Afghanistan
qui recevra donc 1,12 milliards de dollar pour l'année fiscale 2014.
En conséquence, les autorités américaines sont amenées à
repenser leur action en Afghanistan et à étudier la possibilité
d'avoir recours à des fonds non-utilisés des années précédentes.
Investissements
internationaux au milieu de perspectives économiques sombres -
Les investissements
internationaux en Afghanistan ne se limitent cependant pas à ces
aides. Par exemple, la Banque Mondiale a signé un partenariat d'une valeur de 50 millions de dollar avec le
ministère des Finances afghan afin d'améliorer l'accès au micro-crédit
pour les très petites, petites et moyennes entreprises, grâce au
Projet d'Accès au Financement en Afghanistan (« Afghanistan Access to Finance Project »). Selon Robert Saum, le directeur du bureau de la Banque Mondiale en
Afghanistan, « les entreprises afghanes nécessitent une main
d’œuvre très importante et ont le potentiel d'absorber une partie
de la croissance de la population active ». De plus, la Banque Mondiale s'est engagée à amplifier son programme en
faveur de l'éducation supérieure.
Ces mesures interviennent
alors que l'organisation a également annoncé que la croissance du
pays n'atteint que 3,1 % en 2013. Ce chiffre contraste avec les 14,4 % de croissance
de l'année précédente, soulignant ainsi les difficultés
économiques du pays, une préoccupation majeure. Un
sondage de l'Asia Foundation montre que le chômage est vu par 25 % des
personnes interrogées comme le plus grand problème national pour
l'Afghanistan, derrière l'insécurité (30%) et la corruption (26%).
La Banque Mondiale estime par ailleurs que le taux de croissance du pays
devrait atteindre 3,5 % en 2014 pour ensuite,
graduellement, atteindre les 5 % avec la stabilisation de la
situation sécuritaire et politique.