17.10.14

Revue de presse 17.10.14

Se retirer d'Afghanistan est une erreur :

Pour The Atlantic, pendant que les médias américains focalisent sur la décision de Mr. Obama de retirer ses troupes d'Irak, le départ de celles d'Afghanistan marque le début d'une cruelle désillusion à venir. Si l'accord bilatéral de sécurité signé avec Kaboul laissait penser qu'environ 10 000 soldats allaient rester sur le territoire afghan sur le long terme, les derniers propos du président des États-Unis font plutôt état, selon le journal, de 9 800 hommes jusqu'à fin 2014, moitié moins à fin 2015, pour ne plus avoir qu'une présence "compatible" avec le maintien d'une ambassade à fin 2016. Ce nouveau plan gouvernemental, explique l'article, va à l'encontre de l'analyse de tous ceux qui observent l'Afghanistan et prédisent, s'il est suivi, qu'il "facilitera la descente du pays dans l'horreur", avec un retour inéluctable des talibans et la menace qu'ils représentent pour le monde.

Ces nouveaux détails à propos du maintien de la présence armée américaine, s'ils sont diversement accueillis par les analystes, sont, en tout cas, en accord avec l'appréciation de l'OTAN quant à l'estimation des forces qu'il est nécessaire de laisser sur place, note le Washington Post, lequel rapporte que Mr. Obama a déclaré "Nous devons accepter que l'Afghanistan ne sera jamais un endroit parfait, et il ne relève pas de la responsabilité de l'Amérique de le faire tel. Le futur de l'Afghanistan doit être décidé par les afghans".

 

Ce désengagement, programmé bien plus vite que les opinions internationales ne l'envisageaient, alertent beaucoup de monde. Ainsi, le premier ministre indien, Mr. Narendra Modi, enjoint les États-Unis de ne pas répéter avec l'Afghanistan l'erreur commise en Irak : "Nous demandons aux États-Unis, concernant le sujet du retrait de ses troupes, s'il vous plait, ne répétez pas l'erreur commise en Irak, où vous savez ce qu'il s'est passé. Le départ d'Afghanistan doit être très progressif, c'est la seule façon d'empêcher les talibans de relever la tête".

Ahmed Rashid, journaliste pakistanais, livre la même analyse ; dans une tribune parue dans dans le New York Times, il juge que l'Afghanistan n'a rien réglé de ses problèmes internes, que le pays est toujours la proie d'une corruption endémique, en butte à des problèmes sécuritaires graves, et que le laisser livré à lui-même en un si court laps de temps revient à cautionner tous les désordres qui ne manqueront pas de s'y produire, avec des conséquences inévitables pour la région et le reste du monde.

Peut-être la décision de Washington tient-elle compte de cette étude réalisée par l'Asian Foundation, rapportée par NBC News, qui rapporte qu'une majorité d'afghans vivent dans la peur des troupes américaines envoyées pour libérer leur pays des talibans ? 

AG Survey 2013


Cette enquête, que l'on peut consulter en intégralité, met toutefois en lumière d'autres indicateurs plus optimistes. Ainsi, le soutien aux groupes armés d'opposition, comme les talibans, est passé de 56% en 2009 à 35 % en 2013. 90% des personnes interrogées se déclarent favorables à l'égalité homme-femme, ils 57% à croire que leur pays va dans la bonne direction, et une large majorité dit avoir confiance dans l'armée et la police nationale.

Un pays en chantier :

Dans The Express, l'écrivain et chercheur Abdul Basit signe un billet par lequel il explique que les dernières élections, malgré les défauts constatés, marquent tout de même la première transition démocratique du pays, et que Mr. Ghani, qui fait face à des problèmes "intimidants", devra, en tout premier lieu, répondre au challenge que constitue la création d'une équipe "forte et inspirée". Ce sera la meilleur façon pour lui, arrivé au pouvoir par le biais d'un consensus plus que par la vérité des urnes, de gagner sa légitimité. Après un rappel des défis qui attendent le nouveau gouvernement, Mr. Basit conclue en soulignant que le problème afghan appelle un effort collectif et concerté des instances régionales et internationales, afin de préserver la paix et la stabilité.

De même, The South Asia Channel estime que l'Afghanistan a besoin d'un "tsar économique", capable, à l'image d'un Den Xiaoping pour la Chine ou d'un Manmohan Sing pour l'Inde, de "débloquer le potentiel économique de leurs pays et de paver la voie vers une croissance et un développement phénoménaux". De par sa position géographique et en vertu des richesses que recèlent son sous-sol, l'Afghanistan, pense le journal, a de bonnes raisons d'espérer. Il récapitule les recettes économiques à mettre en place, en veillant à ne s'encombrer de "trop de cuisiniers dans la cuisine" ; renforcer la politique fiscale et monétaire, armer les banques et le secteur financier, exploiter les mines de lithium et le courant des fleuves, développer l'agriculture et la sécurité alimentaire, nombreux sont les leviers que le nouveau gouvernement peut manipuler afin de tirer le pays vers le haut, en ces temps qui représentent une "opportunité historique".


Mr. Ghani, en ces premières semaines de pouvoir, et en attendant d'appliquer les règles libérales préconisées par The South Asia Channel, doit déjà faire face à de nombreuses contestations en interne. Tolo News rapporte que le nouveau président s'est vertement fait critiquer par de nombreux observateurs, lors de l'un de ses derniers discours, dans lequel il qualifiait les talibans "d'opposition politique". Beaucoup de commentateurs ont vu là une forme de légitimation des insurgés et demandent au gouvernement de clarifier sa position par rapport à ces derniers, arguant que l'on ne peut pas les combattre d'une main et leur donner de la crédibilité de l'autre.

Risque de pénurie alimentaire :

Le PAM (Programme Alimentaire Mondial) coupe ses rations pour un million d'afghans, c'est ce que rapporte Aljazeera, qui explique qu'il manque à l'organisation 30 millions de dollars pour assurer ses distributions dans le pays. Le PAM, qui fonctionne sur les donations des pays membres, n'a pas reçu assez et devra abaisser l'apport distribué de 2 100 calories à 1 500 par jour. Cette année, les Nations Unies ont procédé à un appel humanitaire de 400 millions de dollars, sur lesquels il manque encore 150. Avec le retrait prévu des troupes internationales, beaucoup d'organisations humanitaires craignent que les aides au pays s'assèchent et que les donateurs ne se concentrent sur d'autres crises, comme celle amenée par le virus Ebola ou le flux de réfugiés partis d'Irak et de Syrie.
















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