L'actualité de ces deux dernières semaines a, bien sûr, été
marquée par la célébration des fêtes de fin d'année par les
troupes, malgré l'impopularité croissante du conflit et les
estimations pessimistes sur la situation sécuritaire du pays, alors
que la question des accords de sécurité reste toujours en suspend.
Et dans cette incertitude sur l'après 2014, c'est la fragilité du
statut de réfugié pour les Afghans qui a été mis en lumière en
Belgique. Enfin les célébrations n'ont pas seulement concerné les
troupes, mais le 1er janvier est aussi « l'anniversaire
de tous les Afghans ».
Noël à Kaboul pour les forces américaines malgré
l'impopularité croissante du conflit –
Les troupes de l'ISAF ont célébré ce qui restera pour
beaucoup d'hommes leurs
dernières fêtes de fin d'année en
Afghanistan. Malgré les
deux roquettes tirées sur l'ambassade
des États-Unis à Kaboul, le 25 décembre, ne faisant aucune victime, et
les attaques sur les troupes de l'ISAF, les armées ont pu partager
les fêtes avec Kader
Arif, Ministre délégué aux Anciens
Combattants ou Kellie Pickler, une chanteuse country américaine. Cette dernière était venue
remercier les
troupes américaines basées à Kandahar pour
leur service, alors qu'un récent sondage,
effectué auprès de la population américaine, montre que 66 %
des personnes interrogées doutent
de l'utilité
de la guerre
en Afghanistan. Ce qui est pour l'armée américaine
l'engagement extérieur le plus long de son histoire se révèle
également être le plus
impopulaire, plus impopulaire même que la
guerre du Vietnam ou celle d'Irak.
Noël et la Saint-Sylvestre ne sont d'ailleurs pas les seules
traditions que poursuit l'armée américaine en opération. Alors que
le reste du Commonwealth s'élançait dans le Boxing
Day, comprenez les soldes du lendemain de noël,
le Pentagone débutait ses « White
Goods Sales » en Afghanistan, c'est à
dire la
vente aux enchères du matériel américain
non-militaire qu'il n'est pas possible de rapatrier à la fin des
opérations.
Rapport des agences de renseignement pessimiste sur l'évolution
du conflit jusqu'en 2017 –
Le pessimisme américain ne concerne pas uniquement l'opinion
publique ; une récente estimation des services de renseignement
nationaux (National Intelligence Estimate), qui synthétise la
position des seize agences de renseignement que comptent les
États-Unis, révélée par le Washington
Post, prévoit que l'Afghanistan pourrait
sombrer rapidement dans le chaos, si les troupes internationales
devaient quitter complètement le pays, en cas de non signature de
l'accord bilatéral de sécurité. Richard Williams, ancien
commandant des troupes du Special Air Service (SAS), a également
affirmé, dans une interview accordée au Times,
que les zones du sud, et notamment la province d'Helmand, risquaient
fortement de tomber entre les mains des Taliban après
le retrait britannique.
Bien que le récent rapport américain traduise un consensus de la
communauté du renseignement, certains officiels le
perçoivent comme beaucoup trop pessimiste. Hamed Karzaï l'a
également dénoncé
et l'a interprétée comme
une pression supplémentaire pour la signature
de l'accord bilatéral de sécurité.
Accords de sécurité et engagement des troupes de l'ISAF –
Ursula von Der Leyen à Mazar-i-Sharif
|© Johannes Eisele/AFP Photo/GettyImages
|
La date limite sur ce dernier a d'ailleurs été repoussée
par Washington au mois de janvier malgré les
appels
répétés pour une signature avant fin décembre, date
butoir initialement annoncée. En cas de
non signature et de retrait total des troupes internationales, Missy
Ryan évoque dans son analyse les autres moyens
d'action en Afghanistan dont disposent Washington.
Du coté européen, la ministre de la Défense Allemande, Ursula
Von der Leyen, qui s'est elle rendue en
Afghanistan, a affirmé le souhait de l'Allemagne de poursuivre son
engagement dans le pays mais dans un cadre défini par un accord
entre l'OTAN et le gouvernement afghan. Les
négociations de cet accord ont d'ailleurs
débuté, mais elles sont largement dépendantes de la signature de
l'accord bilatéral de sécurité entre Washington et Kaboul.
Pour les Canadiens en revanche, il s'agit bien du dernier noël en
Afghanistan. Il ont entamé leur cent
derniers jours de déploiement et tiennent à
mettre en avant ce qu'ils ont accompli pendant leur mission grâce
à la publication, chaque jour, d'un cliché pris pendant les dix
dernières années, sur le compte Flickr
de l'armée canadienne.
La marche des réfugiés afghans en Belgique –
En ce qui concerne le droit international, la Convention de Genève
de 1951 sur le Statut des Réfugiés définit celui-ci comme « une
personne qui craint avec raison d'être persécutée du fait de sa
race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un
groupe social ou pour ses opinions politiques », ce qui ne
prend donc en compte que les menaces personnelles et non la situation
du pays. Selon Selma
Benkhelifa, l'avocat du collectif, la politique d'asile du
gouvernement belge ne prenant pas en compte le contexte du pays
d'origine des réfugiés « n'est pas humaine ». La
question est particulièrement importante pour les Afghans qui
représentent un
réfugié sur quatre dans le monde, soit la communauté la plus importante. Ils sont principalement présents au
Pakistan et en Iran, ce qui ajoute à la complexité de leur
situation. En effet, si la Belgique
déboute nombre d'entre eux, c'est parce qu'elle ne les considère
pas comme de « vrais Afghans » puisque beaucoup d'entre
eux ont longuement séjourné en Iran ou au Pakistan. Cela fragilise
encore davantage le droit de ces personnes qui sont renvoyées
en Afghanistan ; mais tous ne peuvent pas rentrer dans leur pays
d'origine puisque Kaboul ne délivre pas les « laissez-passer »
nécessaires pour le retour.
Le 1er janvier,
l'anniversaire de tous les Afghans –
Ce début d'année a fait l'objet de nombreuses célébrations en
Afghanistan. En plus des
premières neiges
sur Kaboul accueillies avec
beaucoup de joie, le 1er janvier marque également
l'anniversaire
de nombreux Afghans. En effet, en raison des conflits ayant empêchés
la tenue des états civils par le gouvernement, beaucoup ignorent
leur exact date de naissance et ont donc choisi le 1er
janvier pour les démarches officielles ou les réseaux sociaux, au
succès grandissant en Afghanistan. Cette anniversaire collectif est
aujourd'hui l'objet de nombreuses plaisanteries et même de
célébrations publiques, cependant cela reste une question importante.
Premières neige à Kaboul |@Tolonews.com
|
L'absence d'enregistrement des naissances persiste encore dans les
zones rurales et constitue une entrave à la protection des droits
des citoyens et notamment des enfants. Les registres de l'état civil
sont la seule « preuve » de l'existence d'un enfant et
peuvent notamment l'aider en cas de candidature au statut de réfugié,
mais ils sont également utiles pour établir une estimation de la
population et de sa composition ethnique. Cette dernière question
est particulièrement sensible dans un État où les
identités communautaires sont multiples.
Récemment, le projet du gouvernement de mettre en place des
cartes d'identités sans mention de l'ethnicité
des citoyens a suscité de nombreux débats et a plutôt tendu à
rappeler les divisions et les tensions persistantes. Un
des plus important problème concerne la répartition du pouvoir
entre le groupe majoritaire, les Pachtounes, et les groupes
minoritaires, qui accusent régulièrement le premier d'être surreprésenté au
sein de l’État.
Un enjeu majeur pour l'Afghanistan est donc désormais de forger une
identité nationale fédératrice. À ce titre, le sport peut jouer
un rôle très important, à travers l'équipe
de cricket par exemple ou celle
de football dont la victoire, que Tolo
news voit comme l'un des évènements les plus
marquants de l'année pour le pays, a suscité de
nombreuses scènes
de liesse, ou à travers un renaissance de la
scène culturelle ou la protection d'un patrimoine national. Le
retour de l'industrie
cinématographique est un exemple, ou encore la
mise en valeur d'une réserve
naturelle nationale, classée sur la liste du
patrimoine mondial de l'UNESCO, et désormais protégée par des
gardes forestiers féminins.