L'interview
de Karzaï -
Hamed Karzaï dans son bureau | credit Joel van Houdt |
Le climat de tension entre les deux alliés ne s’atténue pas.
Washington exprime également sa frustration à l’égard du
président afghan alors que le ministère de la Défense a annoncé
que 2 300 militaires Américains sont décédés dans la guerre
d’Afghanistan et les combats connexes liés à l'opération Liberté Immuable.
19 665 militaires américains y auraient été blessés.
Aggravant encore les tensions, un tir ami accidentel de l’OTAN sur
un poste de l’armée afghane a fait cinq victimes et dix-sept
blessés, jeudi dans la province du Logar.
Une
option zéro de plus en plus considérée -
Les déclarations d’Hamed Karzaï interviennent dans un contexte de
frustration de Washington à l’égard du président. Barack Obama a
contacté la semaine précédente son homologue afin de discuter de la signature de l'accord bilatéral de sécurité. Il a ainsi affirmé que Washington pouvait attendre son successeur pour officialiser ce traité mais l'a également mis en garde sur la possibilité d’une « option zéro », c’est-à-dire le retrait
complet des troupes américaines du territoire afghan. Obama a
en effet demandé au Pentagone la rédaction d’un plan de préparation dans
cette éventualité. Les responsables de l’OTAN ont également
déclaré s'y préparer.
Le New-York Times rappelle toutefois que les multiples déclarations
participent aussi d'un match rhétorique, alors que l'option zéro
n'est pas le choix préféré des occidentaux et que, du coté afghan,
tous les candidats à la présidentielle se sont déclarés en faveur
de la signature de l'accord bilatéral de sécurité.
De plus, dans l'évantualité d'un départ occidental complet, la
situation serait compliquée par la crise ukrainienne actuelle, comme
le précise le Diplomate. En effet, la Russie pourrait décider d'une
fermeture du Réseau de Distribution du Nord, qui passe sur son
territoire, en réponse aux pressions américaines sur la Crimée.
Cette route avait été mise en place pour contourner l'option,
jusque là privilégiée mais devenue dangereuse et instable, du
Pakistan et du port de Karachi pour l'évacuation du matériel.
Routes de transit pour le matériel de l'OTAN | Credit: Alyson Hurt/NPR |
Contexte
régional -
Les relations entre le Pakistan, l'Afghanistan et les États-Unis
restent d'ailleurs complexes et les signaux sont contradictoires. Le
blocage de la route de ravitaillement de l'OTAN a été levé
par le gouvernement provincial du Khyber Pakhtunkhwa. Le mouvement,
mené par le Tehreek-e-Insaf d'Imran Khan, la star du cricket
reconverti à la politique, aura duré trois mois, pour protester
contre les frappes de drone sur la région par les États-Unis. Un
autre signe positif a été la
signature, le 1 mars, par les deux ministres de l'Économie
afghan et pakistanais, dans le cadre de la Commission Économique
Jointe, d'un accord pour renforcer les échanges économiques et
commerciaux et l'ouverture du chantier d'agrandissement de l'axe
Torkham-Jalalabad. Le Pakistan propose même l'extension de l'accord
au Tajikistan.
Cependant la situation reste tendue et Islamabad a notamment exprimé
son inquiétude
et émis des protestations après l'exécution, sur le sol afghan, de 23
membres des Frontier Corps (groupe paramilitaire pakistanais en
charge de la surveillance des zones frontalières), détenus depuis
2010 par les Taliban.
Entre la Chine et l'Afghanistan, les relations semblent au beau fixe
puisque, lors d'une visite
officielle du ministre des Affaires Étrangères chinois, Wang Yi, à
Kaboul, la semaine dernière, les deux parties ont réaffirmé l'importance de leurs relations et la volonté de les approfondir, pour d'évidentes questions de sécurité
et de soutien aux efforts de paix menés par le
gouvernement afghan. Il est visible que les relations
entre les deux pays, ainsi que la vision qu'ils ont l'un de l'autre, a
fortement
évolué depuis 2001. La sécurité n'est plus la seule
considération en place mais les deux pays se voient comme des
partenaires potentiels avec un bénéfice mutuel possible.
Des
nouvelles de la campagne présidentielle -
Qayoum Karzaï, le frère aîné de l'actuel président, a annoncé
jeudi le retrait
de sa candidature lors des prochaines élections présidentielles au
profit du Dr Rassoul. Cette annonce intervient après la
réunion d'une Jirga chargée de départager les deux
candidatures. Il semble que Hamed Karzaï ait fait exception à la
règle de non-ingérence qu'il s'était fixé dans ces élections. En
effet, l'actuel président aurait fait pression
depuis des mois sur son aîné pour que ce dernier retire sa
candidature. Cette annonce marque le début de la première coalition
depuis le lancement de cette campagne.
Bain de foule pour Abdullah Abdullah dans la province de Jalalabad | Parwiz/Reuters |
De son côté, Abdullah
Abdullah, loin de renoncer, a démarré sa tournée
électorale avec un déplacement dans la province de Jalalabad. Il a
affirmé être confiant dans sa démarche en raison de l'echo positif
qu'il reçoit à travers le pays, la situation étant, selon lui,
bien différente par rapport à 2009. Le candidat malheureux des
précedentes élections, affirme vouloir rassembler pour l'emporter
dès le premier tour.
Pour évaluer cette campagne, le réseau social, Paywast, a décidé
de lancer un sondage
national par sms auquel 7 000 personnes ont répondu. Pour la plus
grande part, les personnes ayant répondu viennent de Kaboul (41%)
et sont des hommes (au moins 53%). Ce sondage fait le point sur
l'enregistement sur les listes électorales, le sentiment de sécurité
ou l'orientation des votes. 70 % des interrogés ont déclaré
être prêts à voter pour un candidat d'une ethnicité différente.
À ce sujet, l'historienne Helena
Malikyar propose de revenir sur le contexte historique de
la question ethnique pour distinguer mythe et réalité sur
l'importance de la question dans ces élections.
Sport
et construction nationale -
Le
cricket semble évoluer au-delà des divisions politiques et ethniques. En Afghanistan, ce sport est en pleine expansion.
Équipe de cricket après une action réussie | Reuters |
L'équipe nationale a brillé
lors de la Coupe d'Asie. Malgré des défaites contre le Pakistan
et l'Inde,
l'Afghanistan a joué avec talent
et discipline,
ce qui en fait désormais un adversaire pris au sérieux.
Les moins de 19 ans ont également marqué les esprits, avec des
victoires contre l'Australie et le Sri Lanka lors de la Coupe du
Monde de Cricket spécifique à cette tranche d'âge.
Cette ascension
rapide du cricket afghan est d'autant plus impressionnante que
l'implantation de ce sport reste récente. Jeu des troupes
britanniques au XIX°, les Afghans ne s'y mettent qu'à la
fin des années 1970, lorsqu'ils fuient la guerre au Pakistan. La
Fédération Afghane de Cricket n'a vu le jour qu'en 1995 (au Pakistan) et l'équipe nationale a été formée seulement en 2001. Un des
principaux problèmes pour l'équipe aujourd'hui est de trouver des
adversaires disposés à organiser des match avec eux.
Est-ce à dire que le sport peut guérir
l'Afghanistan de la guerre ? La signification du
sport est internationalement reconnue avec, par exemple, la Trêve Olympique. La coupe du Monde de Rugby en Afrique du Sud, en
1995, est un exemple d'unité et de dépassement du conflit par le jeu. Cependant, ce sentiment d'unification peut être facilement
détourné et récupéré, dans le cas présent par les Taliban, puisque le cricket est le seul sport qu'ils approuvent. Cela n'en fait pas moins outils intéressant dans une stratégie
globale de résolution de conflit.
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